Changement de constitution : Les Guinéens doivent resserrer les rangs pour barrer la route aux promoteurs du troisième mandat : Mohamed TALL

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Depuis plusieurs mois maintenant, le changement de constitution et  le troisième mandat font la une de l’actualité dans le pays du professeur Alpha Condé. En séjour à Paris,  Mohamed TALL cadre du parti de l’union des forces républicaines (UFR) et ancien ministre de l’élevage s’est confié au micro de notre rédaction www.guineenondi.com

 Avec lui, plusieurs questions d’intérêt général ont été abordées. La problématique liée au changement de la constitution a été l’épicentre de l’entretien. Il a aussi touché du doigt les  raisons de la participation de l’UFR au gouvernement  Youla.

Interview.

Guinée Nondi : Bonjour monsieur TALL et merci pour votre disponibilité

Mohamed TALL : Bonjour monsieur camara, c’est un plaisir

Guinée Nondi : Quel regard portez-vous sur l’actualité sociopolitique de la Guinée ?

 Mohamed TALL : Ecouter, aujourd’hui, l’actualité est dominée par la question du troisième mandat. C’est une question qui agite aujourd’hui la vie nationale du pays. Tous les guinéens sont focalisés là-dessus. Je pense que c’est une preuve qu’on veut nous imposer et qu’on se serait bien passé.

La constitution guinéenne est très claire. L’article 27 dit que le chef de l’état, le président de la république  est élu pour un mandat de 5 ans renouvelable une fois. Personne ne peut faire de manière consécutive ou non plus de deux mandats. Mais surtout l’article 151 qui verrouille et qui empêche toutes velléités de changement constitutionnel.  Il faut bien qu’on comprenne notre histoire. Cela s’explique par le fait qu’en 2001, Lansana Conté avait fait sauter le verrou de la limitation du nombre de mandat. Mais en réalité, ce n’était pas un verrou, il avait fait la modification de la constitution pour pouvoir se présenter une troisième fois. Tirant les leçons de cette situation, le CNT qui a donc rédigé la constitution actuelle a verrouillé la limitation du nombre de mandat. Donc l’article 154 empêche une modification concernant le nombre et la durée du mandat. A partir de ce moment, toute tentative de toucher la constitution est illégale

Guinée Nondi : est-ce la position de votre parti l’UFR ?

 Mohamed TALL : Oui tout à fait. Changer totalement la constitution ne s’explique pas dans le contexte actuel. Il n’y a pas crise majeure, il n’y a pas une situation difficile  qui pousse au changement de la constitution. le mécanisme prévu dans la constitution actuelle, est un mécanisme de révision constitutionnelle. Et dans ce cadre, je suis désolé de dire que la limitation et la modification ne peuvent pas être sujet à referendum. Donc on veut nous engager dans une démarche totalement anticonstitutionnelle.

Guinée Nondi : concrètement que propose votre parti l’UFR ?

 Mohamed TALL : Ecouter, comme beaucoup d’autres partis ou des organisations de la société civile, nous nous sommes réunis au sein du front national pour la défense de la constitution (FNDC) pour défendre la constitution. Et nous allons user de tous les moyens légaux pour arriver à notre objectif.

Maintenant à côté de cela, il y a des réalités de nos concitoyens. Tous les jours on se rend compte que les guinéens vivent dans des conditions extrêmement difficiles. Il n’y a pas d’électricité, et d’ailleurs il y a eu beaucoup de protestations dans ce sens ces derniers temps. Il n’y a pas d’eaux, et vous avez suivi les deux petits documentaires qui circulent encore sur les réseaux sociaux par rapport à la problématique de l’eau. C’est simplement catastrophique. L’eau n’est pas disponible pour les gens et surtout, la qualité n’est pas du tout bonne. L’eau que nous buvons est impure et pas propre à la consommation. Ceci s’explique en grande partie par la mauvaise gestion du secteur qui est emmaillé  par des scandales, des détournements portant sur des montants importants. Vous avez l’insalubrité, vous avez le système éducatif qui va mal,  vous avez les infrastructures sanitaires qui ne fonctionnent presque pas, sans oublier les infrastructures routières. Ce sont des réalités, et ces questions-là, ne sont pas traitées. Ils ne les évoquent nulle part. La seule chose qui les préoccupe aujourd’hui, est le troisième mandat, alors que les priorités des guinéens sont ailleurs.

Guinée Nondi : En cas de glissement de calendrier, quelle sera votre stratégie de lutte ?

 Mohamed TALL : Bon, pour moi, le vocable troisième mandat recoupe tout cela. Le troisième mandat s’étend comme  toute tentative visant à maintenir le président Alpha Condé  en place au-delà de Juin 2020, au-delà du terme de son mandat en cours. Nous considérons que toutes ces tentatives, c’est pour aller vers le troisième mandat. Donc il ne faut pas créer de confusion, d’autant plus que je viens d’expliquer le bilan extrêmement négatif. Sur ce, nous avons un défi, les guinéens doivent resserrer les rangs, ils doivent relever le défi pour que notre pays change. Quand on voit aujourd’hui l’état de notre pays, ça nous fait mal au cœur. Les images de saleté, les images de colère, les images de misère absolue, ça ne peut pas continuer comme ça. Les jeunes sont abandonnés à eux même. Les vieux sont également laissés pour compte. Il n’y a aucune politique d’accompagnement, les retraites sont insuffisantes, ils ne sont pas pour la plupart payés à temps, le secteur privé est quasiment inexistant. Malheureusement au niveau du secteur minier aussi, on ne voit pas les retombées. Ces faits ont été dénoncés à plusieurs reprises, mais rien ne change. Sans oublier l’environnement qui s’est énormément dégradé.  Rien n’est fait pour organiser l’administration de manière à impulser une dynamique.  Avec tous ces problèmes, on parle encore d’un troisième mandat. Nous disons non, le FNDC dit non, le peuple de Guinée dit non

Guinée Nondi : Il y a  quelques mois, vous étiez encore dans le gouvernement, quelles ont été les raisons de ce rapprochement ?

Mohamed TALL : comme vous le savez, le premier mandat d’Alpha Condé n’a pas été à la hauteur des attentes, on a constaté le ralentissement des activités économiques. La Guinée a été malheureusement frappée aussi par la maladie Ebola, qui a amené un certain isolement du pays. Compte tenu de cette situation assez négative, l’UFR et son président ont estimé qu’il fallait s’approcher du pouvoir pour apporter son expérience, l’expérience du président Sidya Touré.

Et dans ce sens, il a fortement  recommandé au président de la république de réinvestir les ressources tirées du secteur minier dans l’agriculture pour mieux soutenir ce secteur. Et faire en sorte que certaines choses de bases soient assurées pour les guinéens notamment l’eau, l’l’électricité, la santé et l’éducation. Malheureusement, cela n’a pas été entendu. Et  face à cette incompréhension, ou l’impossibilité de conjuguer le même verbe, le président Sidya Touré et l’UFR se sont retirés. Donc la cohabitation n’avais pas atteinte  l’objectif  visé. Voilà les raisons qui nous ont poussées de nous retirer du gouvernement. Mais notre objectif était de faire en sorte que le pays soit mieux géré, que les guinéens bénéficient des retombées des ressources du pays, notamment l’exploitation des mines. Et faire en sorte que la corruption baisse.

Guinée Nondi: vous venez de parler de la bonne gestion, au cas où l’UFR arrive au pouvoir en 2020, quelle sera la ligne de conduite pour faire avancer le pays ?

Mohamed TALL : si nous arrivons au pouvoir en 2020, nous avons une vision très claire.

La première des choses, c’est de mettre en place une véritable administration. Qu’est-ce que cela voudrait dire ? D’abord, il faut faire un recrutement sur la base du mérite. Il faut systématiquement arrêter de politiser l’administration. Il faut mettre en place une organisation. Ça veut dire quoi ? Que les services existent, que les attributions soient claires, et que les services soient dotés de moyens matériels et financiers  pour l’accomplissement de leurs missions.

Il faut aussi clairement définir l’ensemble des procédures au niveau des finances. Il faut aussi que les procédures soient traçables.

Il faut aussi mettre fin à la corruption en prenant des sanctions exemplaires. Parce que qu’aujourd’hui, la corruption contribue à la destruction du pays, de l’état. C’est le fléau majeur contre lequel nous devons nous battre. Une fois qu’on aurait mise en place cette administration-là,  il faut s’occuper de la lutte contre la pauvreté. ; Et la lutte contre la pauvreté passe forcément par la création d’emplois. Dans cette création d’emplois, il faut encourager le secteur privé.

 Dans cette perspective, c’est l’agriculture qui crée le maximum d’emplois, parce que nous avons au moins 70% voire 80% de nos populations  qui vivent à l’intérieur. Donc quand vous soutenez le secteur agricole, vous soutenez directement les efforts fournis par les paysans… donc, nous devons mettre l’accent sur le développement de l’agriculture, mais l’agriculture au sens large (élevage sans oublier la pèche).

Il ne faut pas aussi oublier la réalisation des infrastructures, parce que ça ne sert à rien d’investir dans l’agriculture si le problème d’écoulement des marchandises n’est pas résolu. S’il n’y a pas de routes pour l’écoulement des productions vers les centres villes, cela peut poser des problèmes. Bref, il faut organiser les chaines de valeur pour que le maximum de personnes soit impliqué.

Il y a aussi la formation, il ne s’agit pas seulement d’investir dans la formation universitaire, mais surtout la formation professionnelle et technique. Il faudrait aussi que le pays dispose d’infrastructures sanitaires performantes permettant aux guinéens de mieux se soigner. Pour un libéral, c’est l’homme qui est centre d’un développement, et l’homme pour pouvoir s’investir, il faut qu’il soit en bonne santé, afin d’avoir des capacités pour produire. Donc la santé est un pan essentiel pour nous…

Il y a aussi des problèmes de sécurité à régler non seulement à l’interne, mais aussi au niveau de la sous-région, notamment la lutte contre le terrorisme. Et surtout la justice dans toute sa dimension, il faut créer un cadre ou les gens se sentiront en sécurité sur tous les plans, mais tout cela relève du bon fonctionnement de l’administration.

Voici en quelque sorte les grandes sur lesquelles nous allons travailler.

Guinée Nondi : Quel est votre dernier mot ?

Mohamed TALL : je vous remercie, mon dernier mot est de dire au président Alpha Condé et aux promoteurs du troisième mandat, qu’il n’y aura pas changement ni modification de constitution. Alpha Condé doit partir en 2020. Pour cela, nous allons utiliser tous les moyens légaux pour respect de notre constitution.

Horizon Guinée : je vous remercie d’avoir accepté notre invitation

Mohamed TALL : C’est moi qui vous remercie.

Entretien réalisé par Sonny Camara administrateur général du site www.guineenondi.com



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