Nous l’avons déjà signalé dans nos précédentes publications sur le fait électoral en Guinée, que l’élection est l’une des bases de la démocratie. Elle permet d’assurer aux gouvernants la légitimité politique leur permettant d’exercer un mandat. Par rapport à ce rôle, le processus électoral constitue donc la clé de voûte de notre démocratie.
Mais en Guinée, Depuis plusieurs élections, le processus électoral est biaisé à plusieurs niveaux. Cela s’explique par la mise en œuvre des processus de fraudes orchestrées par les acteurs électoraux.
La fraude électorale est un acte qui consiste à modifier la volonté du corps électoral (Owen, 2007). Autrement dit, elle est un ensemble d’actes ou d’irrégularités ayant pour but d’influencer négativement ou positivement le résultat d’une échéance électorale au profit d’un candidat.
En Afrique, l’instauration du multipartisme dans beaucoup de pays durant les années 90 a permis de mettre en place des éléments normatifs et opératoires qui ont donné une certaine crédibilité aux élections démocratiques (Derraq et Magnani, 2011). La Guinée n’échappe pas à cette réalité. Cependant, selon les observateurs et les enquêtes que nous avons réalisées, les échéances électorales organisées ces dernières années (2013, 2015,2018) ont été émaillées de fraudes massives, donc très éloignées des « standards de l’élection libre et transparente ».
Ces élections ont été donc marquées par des fraudes électorales importantes qui peuvent remettre en cause leur sincérité. De nos jours, des techniques ou des savoir-faire de plus en plus sophistiqués sont mis en place par les acteurs politiques (CENI, partis politiques) en vue d’influencer les résultats.
Ces mécanismes sont :
–L’achat des consciences :
Dans cette manœuvre, les partis politiques, au lieu d’être de Véritables outils de mobilisation électorale, ont plutôt tendance à institutionnaliser dans leur pratique la fraude à travers l’achat des consciences. En d’autres termes, donner de l’argent à un électeur contre sa voix, ou corrompre les agents électoraux afin d’orienter les résultats du scrutin.
Cette fraude est aussi marquée par l’utilisation des moyens de l’Etat par le parti au pouvoir à des fins partisanes.
A cela, il y a aussi la mauvaise distribution des cartes d’électeur :
La carte d’électeur est un document qui atteste de l’inscription d’une personne sur une liste électorale. Il s’agit donc d’un élément important du processus de vote. Cependant, la loi électorale voudrait que sa distribution débute 30 jours avant chaque scrutin. Selon cette loi, « Il doit être remis à chaque électeur une carte électorale reproduisant les mentions de la liste électorale et indiquant le lieu où siégera le bureau de vote dans lequel l’électeur devra voter. Cette distribution commencera trente (30) jours au plus tôt avant le scrutin et s’achèvera la veille du scrutin. La carte électorale est strictement individuelle et ne peut faire l’objet de transfert, de cession ou de négociation » (article 38 code électoral). Ce processus est donc la pierre angulaire pour permettre la libre expression de la volonté populaire au moyen d’élections libres et transparentes.
Mais des techniques très subtiles sont organisées pour frauder, elles consistent à envoyer les cartes d’électeur d’une localité, dans une autre ville empêchant ainsi, les citoyens de cette localité de voter. Souvent, ces faits sont enregistrés dans les fiefs de l’opposition. L’on peut par exemple retrouver lors d’une élection, les cartes d’électeur de Mamou à N’Nzérékoré et vice-versa.
A ces techniques, il y a aussi d’autres méthodes plus connues telles que : le bourrage des urnes, la falsification du fichier électoral, le vote par procuration et le recensement de mineurs.
En somme, ces mécanismes ont plutôt tendance à créer un manque de confiance à l’égard de la crédibilité des échéances électorales et provoquent un sentiment d’impuissance à changer les choses. Cet état de fait crée dans bien des cas une attitude passive poussant certains électeurs à s’abstenir. Et d’autre part, ces faits peuvent engendrer des conséquences graves pour la démocratie et le vivre ensemble.