CHRONIQUES_DE_LA_TRANSITION n° 4.( Titi Sidibé Babatiti et Mory Mohamed Camara)

1389

Les_nœuds_gordiens_de_la_transition

La semaine écoulée a été très riche en événements avec une opinion qui était logiquement en attente d’une clarification sur la question de l’adoption par le CNT des trente-six mois de transition proposés par Colonel Mamady Doumbouya.
Dès le mardi 10 mai, c’était un communiqué du RPG Arc-En-Ciel qui dominait les débats tant dans les médias privés que sur les réseaux sociaux. Il ne s’agissait ni plus ni moins que de la participation de ladite instance à la réunion de concertation des partis politiques au siège de l’UFDG prévue le mercredi 11 mai 2022.
Cette réunion avait pour but de mettre en place un cadre de concertation entre plusieurs coalitions politiques. Clairement, il était question pour le groupe dit des 58 partis et l’alliance arc-en-ciel de se rapprocher pour réagir au litigieux chronogramme du CNRD.
L’idée même de l’arrivée de l’establishment du RPG Arc-en-ciel au siège de l’UFDG a été très critiquée par de nombreux observateurs de la vie politique et des militants du principal parti d’opposition au pouvoir d’Alpha pendant plus de dix ans.
Les critiques se cristallisent surtout sur le fait qu’en s’asseyant à la même table que le parti déchu le 5 septembre 2021, l’UFDG tourne le dos aux nombreuses victimes des répressions politiques dudit régime. En réponse, les responsables de l’UFDG ont expliqué qu’il ne fallait point se focaliser sur la présence du RPG dans une réunion d’un peu plus de soixante partis politiques. Ils ont également expliqué qu’une réunion de travail ne devait nullement être confondue avec une alliance politique quelconque.
Quoique pense l’opinion de la présence des jaunes au sièges des verts, le temps d’une réunion, il faut avouer que l’événement semble avoir décontenancé plus d’un au point de troubler les positionnements habituels. De par ses manœuvres, le CNRD semble pour au moins avoir réussi à rapprocher RPG et l’UFDG, souligne un observateur qui y voit un effet de la volonté de réconciliation du CNRD, alors qu’à contrario, on pourrait y déceler un resserrement des rangs de l’opposition face à la junte militaire au pouvoir à Conakry.
L’autre gros évènement de la semaine écoulée fut l’adoption de la « résolution » du CNT du 11 mai 2022 « validant » le chronogramme proposé par le président de la transition. En réalité, dans un scénario de pure confusion, il est quelque peu difficile de se retrouver dans la sémantique juridique autour de l’acte posé par l’organe législatif de la transition.
Ainsi, le 30 Avril 2022, le colonel-président donnait le ton, après plusieurs semaines d’atermoiement, lors de son adresse à la Nation en annonçant « Le CNRD [Comité national du rassemblement et du développement, l’organe dirigeant de la junte, NDLR] et le gouvernement à leur tour soumettront au CNT [Conseil national de transition, NDLR], qui tient lieu de Parlement, cette proposition qui est consécutive à de larges et patientes consultations ». Il avait annoncé auparavant que « De toutes les consultations engagées à tous les niveaux (…), il ressort une proposition médiane d’une durée consensuelle de la transition de 39 mois ».
Sans grande surprise, les partisans d’un délai de transition court (environs 18-24 mois) par opposition à ce « long délai » crient à la violation de l’article 77 de la charte qui n’octroierait aucun rôle au CNT dans la fixation de la dure de la transition. La durée devrait plutôt être décidée en concertation entre le CNRD et les forces vives, mais à cet argument les « partisans » du CNRD indiquent que le CNT représente les forces vives puisque composée de l’ensemble des couches sociales, économiques, culturelles et politiques du pays.
Et pourtant, on ne peut considérer la résolution du CNT de ramener la durée de la transition proposée par le président de la transition de 39 à 36 comme une ratification. Le porte-parole du CNT a indiqué qu’il s’agissait d’une résolution non contraignante, parce que l’assemblée n’a pas le pouvoir d’adoption de la durée de la transition dans ses attributions. Alors que le juriste Jean-Paul KOTEMBEDOUNO, rapporteur de la commission des lois du CNT affirmait à l’issue du vote : « les conseillers nationaux à travers un comité ad hoc ont décidé de revoir à la baisse, en passant de 39 à 36 mois la durée de la transition ».
Pour faire simple, il convient de retenir que le CNT a pris une résolution par laquelle il prend acte du chronogramme de la transition, en approuve les activités qui y sont inscrites et « décide » que la durée de la transition sera de 36 mois (au lieu de 39). Il convient de rappeler que la résolution a été votée à la majorité absolue sans les représentants de l’UFDG, de l’UFR et du RPG qui ont quitté la plénière pour marquer leur désapprobation par rapport à cette adoption du chronogramme considérée comme violation de la Charte. Par ailleurs, au titre de la société civile et du barreau, Me Mohamed Traoré fut l’un des rares, voire le seul, a revendiqué son vote contre cette résolution.
Par communiqué du 13 mai 2022, le CNRD déclaré « prendre acte de la durée de 36 mois adoptée par le CNT « en dépit de l’immensité des tâches impératives au retour à l’ordre constitutionnel » et interdit dans la foulée toute manifestation sur la voie publique, de nature à compromettre la quiétude sociale et l’exécution correcte des activités contenues dans le chronogramme (…) jusqu’à la période des campagnes électorales. Ce qui de facto, porte atteinte à une liberté fondamentale et dénote d’une volonté du CNRD de ne non seulement accepter aucune contestation effective des actes qu’il pose, mais aussi de réduire au silence les voix dissonantes.
À l’évidence, par une procédure législative inédite et controversée, les autorités de la transition ont arrêté la durée de transition de 36 mois déjà rejetée par le G58, le RPG et ses alliés dans un communiqué commun du 11 mai 2022 (39 mois).
Le véritable bras de fer entre les partisans d’une transition de stricte nécessité et ceux de la durée de transition nécessaire à la refondation du pays est plus que jamais engagé. Les jours et semaines à venir promettent d’être intenses en termes. On peut, de nouveau, regretter que la durée de la transition et la définition des activités du chronogramme procèdent plus de l’unilatéralisme du CNRD que d’un véritable consensus national.
Une fois de plus, face aux enjeux majeurs, les Guinéens vont devoir faire face à des lendemains plus qu’incertains.
Mardi 17 mai 2022
Titi Sidibé Babatiti et Mory Mohamed Camara



Guinée Nondi, tout ce qui est information de qualité est notre