Les systèmes juridiques africains sont caractérisés par le pluralisme juridique. Celui-ci consiste dans « le voisinage dans le même espace socio-juridique d’une part, des normes dites traditionnelles, de souche ancienne et coutumière, généralement d’expression orale, complexes et indéterminées dans leur nature et leurs espèces, s’appliquant aux humains comme aux choses, à l’environnement, aux ancêtres et aux dieux ; d’autre part, des normes dites modernes, de souche coloniale romano-germanique ou anglo-saxonne, d’expression généralement écrite, obéissant à des mécanismes de forme ou de fond souvent totalement différents des normes traditionnelles ».
Si ces systèmes juridiques africains n’ont pas le monopole du pluralisme juridique, leur particularité procède de la rencontre dans ce continent de plusieurs cultures juridiques constituées des coutumes ancestrales africaines, du droit musulman, des coutumes islamiques, du « droit moderne » d’inspiration occidentale.
LE DROIT MUSULMAN :
Depuis le début de l’expansion islamique en Afrique au VIIe siècle, « au fur et à mesure que l’islam s’implantait, se diffusait son droit, lequel gouvernait tous ceux qui s’y convertissaient ». A côté du Coran qui demeure la source principale des droits musulmans, il y a l’idjtihad qui est considéré comme effort de la raison.
En plus de l’idjtihad, il y a l’urf mais aussi l’amal qui est une forme de pratique de tribunaux reconnue par les malékites comme le critère final de l’autorité juridique.
L’idjtihad est à l’origine de quatre grandes écoles, rites, directions orthodoxes de la science juridique musulmane. Il s’agit de l’école Hanéfite fondée par Abu Hanifa ; de l’école malékite fondée par Malik Ben Anas ; de l’école Hanbalite fondée par Ibn Hanbal.
L’école Shafii ( le shafiisme )… (adeptes sont les shafiistes).
A ces quatre courants principaux de la doctrine islamique regroupés sous l’adjectif sunnite s’opposent d’autres doctrines dont les Chiites, les Kharidjites. Ces écoles se sont répandues en Afrique au fil des années. La secte Kharidjite a d’abord dominé l’ensemble de l’Afrique du nord au VIIe siècle avant de laisser la place à l’école Maléjite qui s’étend finalement à l’Afrique occidentale.
Les orthodoxes Kharidjite ont étendu leur influence jusqu’au sultanat de Zanzibar (devenue avec Tanganyika, la Tanzanie). Ils y ont été succédés par les ibadistes. En Afrique de l’est, c’est le rite chaféite qui prévaut.
LE DROIT COPTE :
Au IVe siècle, les souverains axoumites du Tigré ont été convertis au christianisme monophysite d’Alexandrie par des missionnaires qui ont importé des principes du droit canonique copte en Ethiopie. Si la conversion s’est produite au IVe siècle, le droit copte n’a été bien connu qu’au XVe siècle à travers la rédaction du Fetha Negast (ouvrage écrit en geez, langue de l’église copte).
LE DROIT ROMANO-HOLLANDAIS :
L’expansion commerciale et maritime des Provinces-Unies des Pays-Bas, l’installation des hollandais, ont été suivie par l’implantation d’un véritable système juridique constitué d’un ensemble de sources de droit dont la législation, la coutume, la jurisprudence, la doctrine. Ce droit introduit au Cap, fut étendu au Basutoland (actuel Lesotho) en 1884, au Bechuanaland (actuel Botswana) en 1891, En Rhodésie du Sud (actuel Zimbabwe en 1894, au Swaziland en 1907. La mise sous mandat sud-africain, du sud ouest africain (actuel Namibie) a permis l’introduction de ce droit en 1920 dans ce pays.
LES DROITS ASIATIQUES :
Ils sont constitués du droit hindou, du droit hébraïque. Parlant des droits hébraïques, Vanderlinden affirme qu’il est essentiellement appliqué au Maroc, en Tunisie. Quant à l’Afrique de l’est, ce sont des sources classiques du droit hindou tel qu’il s’exprime dans les sâstras issus de la réflexion des penseurs brahmaniques qui s’appliquent.
LE DROIT AMERICAIN :
La première constitution libérienne prévoyait que la Common Law telle qu’elle est en vigueur aux Etats-Unis et applicable à la situation des colons, est en vigueur dans les colonies.
Au regard de cet ensemble hétérogène de droits d’origines diverses, l’existence d’un système juridique dépend de l’organisation des différents procédés d’élaboration des règles de droit. Il convient cependant de souligner que cette extrême diversité constitue a priori une spécificité propre à attribuer à cet ensemble, le caractère d’un système juridique original.
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QUELQUES REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES (les numéros renvoient aux pages consultées )
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KUYU Camille, dir., A la recherche du droit africain du XXI siècle, Paris, Editions connaissances et savoirs, 2005, p. 13.
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VANDERLINDEN Jacques, Le pluralisme juridique. Essai de synthèse, in GILISSEN John, (dir.), Le pluralisme juridique, Bruxelles, Editions de l’université de Bruxelles, 1972, p. 19.
VANDERLINDEN Jacques, Les systèmes juridiques africains, Paris, PUF, 1983, p.3.
Jean Paul KOTEMBÈDOUNO
Docteur en droit public de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne