Il y a quelques semaines que l’IGE a rendu public son rapport sur la gouvernance des établissements publics administratifs et les sociétés publiques. Ce rapport bien qu’ancien établit un diagnostic clair : les EPAs et sociétés publiques sont mal gouvernées et peu performantes. A la suite de ce diagnostic, l’IGE a formulé diverses recommandations sur : la gouvernance ( le choix des membres des organes de contrôle et de pilotage ), le respect du cadre réglementaire et légal régissant leur fonctionnement , la politique de rémunération des administrateurs , etc.
Le rapport de l’IGE est clair et précis , fort malheureusement ses recommandations n’ont pas été bien comprises par le Premier Ministre. Cette triste conclusion à laquelle je suis arrivé est consécutive à la lettre qu’il a adressée au Ministre de la Fonction Publique lui demandant de faire une proposition de permutation entre les DG et DGA dans les EPAs.
En effet, la performance est une notion qui convoque plusieurs aspects. Elle dépend du contexte qui lequel on l’emploie. Toutefois , elle peut être apprehendée à travers trois paramètres qui sont : l’adéquation des objectis aux résultats ( concept de l’éfficacité ), l’adéquation entre ressources et les réalisations ( concept de l’éfficience ) et la conformité entre les objectifs et les ressources ( concept de la pertinence ).Dans une acception minimaliste par les deux premiers.
Le pilotage de la performance exige la définition des orientations stratégiques . Les orientations dans le cadre des EPAs et sociétés publiques sont définies par les organes de contrôle ( Conseil d’Administration )et leur exécution est assurée par les organes de gestion qui sont, en théorie, liés aux organes de contrôle par les contrats de performance. Le rapport de l’IGE établit que certains EPAs et sociétés publiques ne disposent pas de conseil d’administration quand bien ils seraient prévus par la loi et que ceux qui en disposent ont dans une grande proportion des administrateurs peu qualifiés pour exercer leurs missions .
Voilà le premier problème à régler : le problème de gouvernance. A ce propos , la solution du Premier Ministre est une gageure. Pour lui , il faut déshabiller Paul pour habiller Pierre. Sa lettre étonne d’autant plus qu’il est dit de lui qu’il a enseigné le contrôle de gestion. Pourtant , il ne devrait pas feindre d’oublier l’importance du pilotage et de la définition des objectifs, de l’importance de la planification dans la motivation des dirigeants.
De ce fait , mettre temporairement le DGA à la place du DG créera un climat non propice à l’ateinte des objectifs assignés aux EPAs. Pendant tout le délai de la permutation, les tensions existeront entre les DG et les DGA , la déterioration du climat du travail s’en suivra. Ce qui empêchera la réalisation des résultats escomptés par la démarche. D’où l’inéfficacité de la mesure.
Sachant qu’au cas où réussirait le DGA il prendrait définitivement la place du DG , ce dernier se trouvera obliger de créer les conditions d’échec du premier. La direction générale sera si divisée que les deux acteurs du pilotage se parleront à peine. Ils se défieront. L’un pour faire valoir des compétences qui devront justifier sa nomination prochaine au poste de DG et le second pour faire échouer les initiatives du DGA. Pourtant c’est quand il y a la cordination des activités , la synergie des efforts au niveau des organes de pilotage que les EPAs et sociétés publiques pourraient travailler à réussir les missions qui leur sont assignées.
Par ailleurs , il ne faudra pas qu’on se méprenne , le travail de l’IGE et même de l’IGF n’est pas celui de l’évaluation de la performance des EPAs ou même des sociétés publiques. C’est l’évaluation du respect par eux des procédures administratives et financières. En effet , évaluer la performance d’une entité exige de confronter les objectifs aux résultats ( est-il qu’ils soient sincères , réguliers , d’où la rigueur dans le choix du Commissaire aux Comptes – certains établissements n’en ont pas), confronter les ressources aux résultats pour juger si oui ou non elles ont été rationnellement utilisées. L’évaluation de la performance se fait dans le temps ( comparaison d’une année par rapport à une autre ) et aussi dans l’espace ( comparaison des résultats d’une entité par rapport à une autre comparable soit nationale ou internationale ). Celui exige l’élaboration des indicateurs devant servir de moyens de comparaison.
Parlant des objectifs, il faut dire qu’il y a là aussi un problème. Un grand problème . En effet , il y a un conflit à ce niveau entre les objectifs à atteindre fixés par les organes de tutelles techniques et ceux des organes de contrôle. Il faut dire à ce niveau que tous les EPAs ne disposent pas de conseil d’administration. Pour les sociétés publiques régies par le droit OHADA , ce sont les membres des organes de contrôle qui définissent les orientations stratégiques. Dans les statuts de nombreux EPAs des dispositions analogues existent.
Pourtant , il y a été constaté que les tutelles techniques ont fixé des objectifs à réaliser aux EPAs à travers des contrats de performances avec leurs organes de gestion auxquels ils ont astreint leurs responsables. . Ces contrats dits de performance posent problème. Ils procèdent au nivellement par le bas. Ils fixent les mêmes objectifs pour tous les EPAs d’une même tutelle technique. Tantôt on dit aux EPAs d’accéder le plus rapidement possible à la subvention que l’Etat leur alloue feignant d’oublier que cela est tributaire de la validation de leurs états financiers de l’exercice antérieur et de leur budget prévisionnel par l’organe de contrôle. Alors certains EPAs n’en disposent pas. Ainsi, certains EPAs ne disposant pas de conseil d’administration accéderaient plus rapidement à leur subvention que d’autres devant se soumettre à des validations contraignantes ou attendre la validation des états financiers par un organe inexistant. Les uns seront mieux notés et d’autres n’engrageront pas de point au titre de cette disposition.
Par ailleurs, certains organes de tutelles ont , si ce n’est tous , exigé la baisse des dépenses de fonctionnement par les EPAs. Un EPA disposant d’un personnel vieillissant ou peu compétent devra ainsi faire avec lui . Sinon comment engrangera-t-il des résultats dans un tel contexte ? Lui dire de faire baisser les dépenses de fonctionnement , c’est lui dire qu’il ne doit pas recruter alors que la loi lui donne ce droit , c’est lui dire de ne pas engager des travaux de modernisation en affectant aucune partie des dépenses à l’investissement productif , à l’acquisition des équipements. Or il en a le droit pour peu que l’organe de contrôle valide ses dépenses et que leur engagement respecte les procédures consacrées.
Le contrat de performance avec les EPAs devrait dépendre d’un certain nombre de paramètres dont leur spécificité . Les contrats devraient compte des attributions différentes de chacune d’elles. Fort malheureusement cela n’est pas fait.
Ibrahima Sanoh
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La permutation entre DG et DGA des EPAs : Une mauvaise idée (Par Ibrahima Sano)
By LAKATA Kimba CAMARAJuil 14, 2023, 14:27 pmCommentaires fermés sur La permutation entre DG et DGA des EPAs : Une mauvaise idée (Par Ibrahima Sano)
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