Dans deux publications sur page, l’ancien bâtonnier de l’ordre des avocats maitre Mohamed Traoré parle de l’indépendance et de l’instrumentalisation de la justice par les différents régimes.
« En Guinée, les magistrats sont nommés, ou plutôt, censés être nommés sur proposition du Garde des Sceaux, et après conforme du Conseil supérieur de la Guinée. Est nulle, toute nomination de magistrat sans l’avis conforme du Conseil supérieur de la Guinée. Cette règle concerne non seulement les magistrats du siège mais aussi ceux du parquet.
Mais il n’est pas interdit de se demander si l’avis du CSM a été vraiment demandé toutes les fois qu’il y a eu nomination de magistrats. Au regard de certaines nominations, il est difficile de ne pas en douter. On a l’impression que le CSM a souvent été placé devant le fait accompli, même s’il ne s’en est jamais ouvert publiquement. C’est une simple impression. Elle peut être fausse. Mais il y a des faits très troublants qui inclinent à avoir cette impression.
En réalité, la justice est l’éternelle victime de tous les régimes chez nous. Toutes les fois que cette justice a été critiquée par le pouvoirs exécutif, c’est parce que quelques magistrats courageux n’ont pas accepté de se laisser instrumentaliser. Sinon, tant qu’ils » jouent le jeu », ils sont encensés.
Mais il faut continuer à garder l’espoir que les mentalités changeront et que certaines pratiques disparaîtront un jour » a-t-il dénoncé avant d’ajouter
« Tous les régimes qui se succèdent dans notre pays, qu’ils soient civils ou militaires, s’emploient à faire croire que l’indépendance de la justice est une de leurs priorités. Pour donner le change, ils sont même capables de faire adopter les meilleurs textes possibles et de mettre les magistrats dans les meilleures conditions possibles pour, dit-on, garantir leur indépendance Mais au fond, il n’existe pas un seul régime qui ne cherche pas à faire de la justice » sa chose » afin de lui exécuter les basses œuvres. Il en toujours été ainsi et il en sera toujours ainsi à moins qu’on ait des dirigeants qui ont de très fortes convictions sur la question.
Les meilleurs défenseurs de l’indépendance de la magistrature sont et demeurent les magistrats eux-mêmes, les avocats et voire les citoyens. L’indépendance de la magistrature est en effet une garantie de bonne justice. Aucun régime n’est assez respectueux de la séparation des pouvoirs et de son corollaire qu’est l’indépendance de la magistrature au point de laisser à celle-ci une totale liberté d’action. Certaines procédures judiciaires gênent forcément un pouvoir sans compter que celui-ci peut être amené à se servir de la justice pour des causes inavouables. D’où le motif des multiples formes de pressions sur le pouvoir judiciaire. C’est aux magistrats de trouver le courage nécessaire pour résister puisque les textes ne suffisent pas » conclu-t-il
Maître Mohamed Traoré avocat