Justice : Maître Mohamed Traoré sur les critiques faites au droit de grâce

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 Le droit de grâce dont dispose le Président de la République n’a pas toujours fait l’unanimité.  Cette prérogative présidentielle a souvent fait l’objet de critiques, certains y voyant une forme d’atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. Mais en dépit des critiques, la grâce conserve une certaine utilité. L’ancien président français, Nicolas Sarkozy, avait déclaré en 2006,  » Si un jour, je devais avoir des responsabilités, l’une des premières choses que je ferais c’est de supprimer le droit de grâce et l’amnistie ». Il a pourtant usé de son droit de grâce. Peut-être qu’il aura lui-même besoin d’une grâce présidentielle dans les prochains mois au cas où sa condamnation deviendrait définitive.

La grâce est doublement utile pour l’individu et pour la société elle-même. D’une part, elle entraîne une remise partielle ou totale de peine en faveur d’une personne ayant fait l’objet d’une condamnation définitive c’est-à-dire qui ne peut plus faire l’objet de recours. En cas de remise totale, la personne graciée est immédiatement libérée. Diverses raisons peuvent amener à gracier un détenu: le grand âge, des problèmes de santé, une bonne conduite etc. D’autre part, il peut y avoir une condamnation définitive sans que le débat sur la culpabilité de la personne condamnée ne soit épuisé au sein de l’opinion publique. Les annales judiciaires sont pleines d’exemples de personnes qui ont été condamnées de manière définitive mais qui ont continué à clamer leur innocence. Il existe des condamnations qui suscitent un malaise au sein de la société. La grâce permet donc de calmer les passions provoquées par ce type de décisions.

Il faut noter cependant, et c’est l’une des critiques faites au droit de grâce, qu’il y a des risques d’instrumentation de cette prérogative à des fins politiques. Dans les pays où la justice jouit d’une certaine indépendance, le titulaire du droit de grâce peut l’utiliser à des fins politiques. Il peut par exemple faire échapper à l’exécution de leur peine des « amis politiques » ou des amis tout court quand il n’a pas pu les soustraire à une sanction pénale. Surtout que le président de la République n’a pas à justifier sa décision d’accorder ou de refuser la grâce. C’est dire que les motivations qui sous-tendent une grâce peuvent être éminemment politiques dans certains cas. C’est pourquoi, il est intéressant de prendre en compte ces motivations.

Dans le cas de la Guinée, les dernières grâces intervenues peuvent bien être motivées par la volonté d’affaiblir l’opposition en poussant les détenus graciés soit à rejoindre la mouvance présidentielle soit à arrêter tout militantisme politique. La flagornerie dont certains d’entre eux ont usé en parlant du Président de la République après leur sortie de prison est un signe qui ne trompe pas.

En somme, ce qu’il faut critiquer c’est moins le grâce que le détournement qui en fait à des fins de politique politicienne.

Maître Mohamed Traoré avocat



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