L’actualité des télécoms est dominée par une série de plaintes à l’encontre de la société « Orange Guinée », fournisseur de service de téléphonie, internet et de transfert d’argent par voie électronique.
Entre autres griefs, des consommateurs reprochent à Orange Guinée de leur avoir décompté une consommation excessive de data (pass internet) ou tout simplement de voir leurs crédits Orange fondre anormalement en dehors de toute utilisation volontaire.
Face à la difficulté pour les consommateurs particuliers de communiquer directement leurs frustrations à l’opérateur Orange Guinée, de nombreuses initiatives de boycott des produits Orange Guinée et des appels aux autorités de régulations ont été relayés sur les réseaux sociaux. Aussi, tant l’Autorité de Régulation des Postes et Télécommunications (ARTP) que les associations de consommateurs ont été appelés à la rescousse pour rétablir les clients lésés d’Orange Guinée dans leurs droits.
Au-delà de l’effervescence de l’affaire Orange Guinée sur les réseaux sociaux, il convient d’envisager la problématique sur le plan de la protection des consommateurs des services de télécommunication en Guinée et du rôle micro-prudentiel joué par l’autorité de Régulation des Postes et Télécommunication (ARPT).
Quels sont les enjeux :
Au risque de se méprendre dans l’analyse du contentieux qui oppose Orange Guinée à certains de ses clients (les consommateurs particuliers), il convient de noter d’emblée que le format du rapport entre les parties est de nature contractuelle et que c’est à la lumière de la théorie des contrats que le litige doit être abordé.
Orange Guinée comme d’autres opérateurs de services de télécommunication sont soumis aux réglementations nationales qui régissent non seulement leurs obligations statutaires (autorisations, licence, gestion des réseaux…) mais aussi celles relatives à la protection des consommateurs (facturation, contestation de consommation, qualité des services fournis, pratiques commerciales déloyales ou abusives…).
La nouvelle loi télécommunications du 13 août 2015 intitulée « loi relative aux télécommunications et aux nouvelles technologies de l’information en République de Guinée », consacre le droit des consommateurs à porter leurs contestations en matière de télécom devant l’ARPT à propos notamment d’interruption du service, de problème de facturation, de non-respect des délais de dépannage (art. 104).
Cette disposition invite le consommateur à s’adresser prioritairement au service clientèle de son opérateur ou fournisseur de service et, au besoin, via une association des consommateurs ou un avocat.
Le consommateur défini à l’article premier de ladite loi comme « toute personne physique ou morale qui utilise un service de télécommunication ouvert au public », peut saisir l’ARPT dans sa mission de médiation et de régulateur des services de télécommunication (article 106). Le consommateur lésé peut également se tourner vers tribunaux civils pour obtenir la condamnation de son opérateur.
La difficulté d’un recours effectif pour les consommateurs :
Contrairement aux slogans scandés via les réseaux sociaux, la difficulté de recours effectif pour les consommateurs tient moins en la passivité de l’ARPT et des associations de consommateurs qu’à la nature des contrats qui lient les consommateurs aux opérateurs de télécommunication.
Le prototype du client usager d’un service internet et de téléphonie est le plus souvent celui qui utilise son smartphone à des fins d’appels téléphoniques et de connexion internet. Le modèle contractuel se décline en un client qui achète des « pass » le plus souvent pour surfer sur internet. Ce type de contrat bien que valide n’est pas matérialisé par un écrit sur un support durable. Le client reçoit par sms la confirmation de sa recharge et du crédit encore disponible sur son compte client.
Le litige procède souvent du crédit ou pass Orange qui se volatilise sans une « consommation consciente » du consommateur. Ce dernier a tendance à se plaindre de ce qu’on pourrait qualifier de surfacturation, mais faute de facture, du fait du prépayé, le consommateur se retrouve le plus souvent sans interlocuteur immédiat pour être entendu en sa réclamation.
La prétention du juriste capable d’analyser le contrat entre le consommateur et son opérateur télécom doit composer avec une certaine connaissance de l’aspect purement technique de la consommation de data (de pass internet). Les spécialistes des subtilités techniques en matière de télécommunication expliquent souvent que le smartphone du client télécom peut continuer à utiliser ses data alors même que celui-ci ne fait aucun usage de son appareil. Il peut s’agir de mises à jour effectuées par certaines applications ou simplement de fenêtres restées ouvertes sur le téléphone laissant ainsi se poursuivre une consommation involontaire de data internet.
Pour en avoir le cœur net, le consommateur devrait pouvoir s’adresser à son opérateur aux fins de se voir expliquer la consommation supposée anormalement élevée eu égard à son usage réel. La réussite de cette première phase de plainte dépend des facilités qu’offrent les opérateurs à leurs clients d’avoir réponse à leurs griefs. Un décompte détaillé fourni au client devrait lui permettre de comprendre sa situation de consommation et de pouvoir s’en satisfaire ou pas.
C’est seulement au prix du traitement au cas pas cas des plaintes des consommateurs des services de télécommunications que l’on pourra rationnellement répondre à la problématique du droit des consommateurs dans ce secteur.
Le rôle d’une association des consommateurs proactive devrait, dans cette configuration, consister à militer pour l’amélioration des services clientèles des sociétés de télécommunication en vue d’un traitement plus équitable et transparent des plaintes des consommateurs. Il est en effet très compliqué de gérer des litiges de consommation à coup de procédures judiciaires dans un pays où le formalisme des relations contractuelles reste une exception vu le niveau élevé d’analphabétisme au sein de la population.
Mory CAMARA DE KOMPINI