Kankan: la prostitution ne cesse de s’accroître !

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Les Infections sexuellement transmissibles (IST), y compris le Sida, le nombre de nouvelles infections ne cesse de décroitre à travers le monde, tandis qu’avec les traitements ARV, on meurt de moins en moins de la pandémie. Mais ces acquis dépendent encore fortement de l’attitude que les populations se doivent d’adopter. En gros, il s’agit du dépistage pour connaître son statut sérologique, mais aussi de l’utilisation notamment des préservatifs lors des relations sexuelles. Des comportements qui font grandement défaut à Kankan. Ce qui pourrait expliquer que plusieurs  personnes y vivent avec le Sida. C’est du moins le constat établi sur place par notre correspondant dans ce reportage.

Les travailleuses de sexe étant un groupe particulièrement à risque, c’est tout d’abord vers elles que s’est tournée notre rédaction. Il est minuit passé de quelques minutes dans la cour du petit motel ’’ Le ciel ’’, situé dans le quartier Briqueterie. Grâce à une complicité interne, nous nous somme approché auprès d’une demoiselle dans une vingtaine ou la négociation comme suit

« Elle attend un homme de plus de dix ans son ainé », nous glisse-t-on discrètement à l’oreille. Ce dernier arrive justement presqu’aussitôt. Attablés autour de leurs verres, ils engagent une négociation que nous nous efforçons de ne pas rater.  C’est bien disposé à aller au lit avec Monsieur, mais pas sans préservatif « C’est dangereux ! Il y a le risque de contracter une maladie. C’est pourquoi j’exige toujours le condom », se défend-t-elle.

L’homme comprend, mais veut surtout le ‘’corps-à-corps’’. Quitte à débourser 90.000 GNF, le triple du tarif ordinaire. Chauffeur de profession, rentrant à peine de N’zérékoré, il a son idée sur le préservatif: « Avec la capote, le plaisir diminue. Il arrive des moments où on sent des douleurs au niveau du pénis en plein érection».

Non loin, se trouve le ‘’ M’maba ’’, un autre motel. Plusieurs chambres de cet établissement sont occupées par des prostituées. Parmi elles, une adolescente en provenance de Conakry (appelons-la SK) qui a accepté de se prêter à nos question. Ne s’en cachant nullement, elle avoue que le port ou non du préservatif dépend de la poche du client.

En outre, elle n’a aucune idée de son statut sérologique. De fait, depuis deux ans, elle n’a pas fréquenté un centre de dépistage. Il en est de même pour ses collègues. Elles pensent que cela relève des obligations de l’employeur. « Quand j’étais à Conakry, nous partions en groupe faire nos examens au centre de santé de ‘’Concasseur’’. C’est notre patronne elle-même qui s’occupait de tout. Mais ici, ce n’est pas le cas. Les responsables des bars pour qui nous travaillons, ne prennent pas leurs responsabilités », explique SK.

Cette accusation, les tenanciers des motels ne la partagent pas. D’une part, arguent-ils, toutes les chambres de passe pourvues seraient fournies en paquets de préservatifs. Mais les filles et leurs clients n’y toucheraient pas. D’autre part, un promoteur de motel qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat pense que c’est aux filles de se protéger. « On ne peut pas les obliger à porter les préservatifs. C’est dans les chambres qu’elles acceptent généralement de faire l’amour sans capote ». Puis, de rajouter : « Elles travaillent pour leur propre compte, nous leurs prenons juste la location des chambres, 10.000 GNF par client. C’est donc à elles-mêmes d’assurer leur prise en charge sanitaire… ».



Journaliste, correspondant à Kankan, Guinée