Libye : 62 corps de migrants repêchés, des dizaines de personnes toujours portées disparues

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Selon les estimations de Médecins sans frontières environ 400 personnes se trouvaient à bord de l’embarcation. Depuis le début de l’année, 426 personnes sont mortes.

Regards figés et visages fermés, les rescapés d’une des pires tragédies en Méditerranée attendent près d’une plage libyenne d’être transférés vers un centre de détention pour migrants. Sauvés des eaux après le naufrage jeudi de leur embarcation au large de la ville libyenne de Khoms (ouest), ils sont une trentaine, assis en silence sous un abri ouvert aux quatre vents au sol bétonné.

Vendredi soir, les secours libyens ont annoncé avoir repêché 62 corps de victimes de ce nouveau drame qualifié par l’ONU de la « pire » tragédie en mer Méditerranée cette année.

Des chiffres incertains

D’après le porte-parole de la marine libyenne, le général Ayoub Kacem, l’embarcation était « en bois » et « a fait naufrage à moins de 5 milles marins de la côte selon les témoignages de rescapés ».

Le nombre de migrants présents à bord de l’embarcation ayant coulé dans la nuit de mercredi à jeudi demeure incertain, les chiffres fluctuant selon les sources. Selon l’Organisation internationale des migrations (OIM), quelque 145 personnes ont été secourues, tandis que 110 restent portées disparues au large de la Libye, pays plongé depuis 2011 dans le chaos avec des luttes de pouvoir et des milices qui font la loi.

De son côté, la marine libyenne évoque 134 rescapés et 115 disparus. L’ONG Médecins sans Frontières (MSF) en Libye estime pour sa part que près de 400 personnes se trouvaient à bord du bateau. « Nous allons poursuivre les opérations pour récupérer les corps rejetés par la mer cette nuit et demain », a ajouté M. Sbeih, confirmant qu’il n’était pas possible de donner un chiffre total des victimes du naufrage.

Dans l’eau pendant « six à sept heures »

Les autorités de Khoms, ville située à 120 km à l’ouest de Tripoli, et d’où est partie l’embarcation, font face à des difficultés pour enterrer les corps récupérés, a confié une source dans la municipalité de cette ville.

Là-bas, les migrants secourus sont Érythréens en majorité, mais aussi Palestiniens et Soudanais. Pour les femmes ont été installées provisoirement dans un mobile-home, pour qu’elles récupèrent leurs forces après plus de six heures passées dans l’eau, explique l’une d’elles.

« Nous sommes partis vers 23h30 et 01h30 après notre départ, le bateau a pris l’eau. Le capitaine égyptien a décidé de faire demi-tour », raconte à l’AFP Abdallah Osman, l’un des rescapés.

L’embarcation en détresse croise alors « un grand bateau, le Turkon Line ». « Nous pensions qu’ils allaient nous sauver mais les personnes à bord se sont contentées d’observer », ajoute cet Érythréen de 28 ans. Une demi-heure plus tard, l’embarcation était remplie d’eau et le moteur arrêté. « Nous sommes restés dans l’eau six à sept heures », dit-il, assurant que « près de 200 personnes ont péri, des hommes, des femmes et des enfants ».

Peu éloignés des côtes libyennes, les survivants aperçoivent les lumières du port de Khoms, une ville côtière située à 120 km à l’est de Tripoli. « Peu après l’aube, des pêcheurs sont venus nous chercher avec leurs petits bateaux et ont commencé à nous transporter, cinq à la fois… Ça a duré jusqu’à 09h00 du matin ».

« Des corps flottaient à la surface de l’eau dans la zone du naufrage », raconte à l’AFP l’un des pêcheurs.

« Un homme originaire du Soudan nous a dit avoir vu sa femme et ses enfants se noyer. Il était totalement désorienté et restait assis là, en état de choc », raconte de son côté Anne-Cecilia Kjaer, infirmière pour MSF, qui s’est rendue auprès des survivants du naufrage. « Beaucoup d’enfants ne savaient pas nager et même ceux qui savaient ont succombé à l’épuisement », dit-elle.

« Chaque vie perdue est une de trop»

Filippo Granidi, Haut-Commissaire de l’ONU pour les réfugiés (HCR), a parlé jeudi de « la pire tragédie en Méditerranée cette année ». « Nous avons besoin de routes sûres et légales pour les migrants et les réfugiés. Tout migrant cherchant une vie meilleure mérite sécurité et dignité », a-t-il ajouté sur Twitter.

Le naufrage est un « terrible rappel » des risques pris par les migrants voulant quitter la Libye pour l’Europe, a affirmé vendredi la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini. « Chaque vie perdue est une de trop », a-t-elle insisté.

Amnesty International a réagi vendredi dans un communiqué. L’ONG estime que cette tragédie « représente un nouvel échec pour les leaders européens ». Elle appelle l’Europe à faire preuve de courage et à changer son approche des politiques migratoires pour qu’elle soit « humaine » et « sauve des vies ».

La Méditerranée, voie maritime la plus meurtrière au monde

Avant le naufrage de jeudi, le HCR et l’OIM avaient fait état d’au moins 426 personnes mortes depuis le début de l’année en tentant de traverser la Méditerranée, devenue la voie maritime la plus meurtrière au monde.
Généralement, les migrants secourus en mer et ramenés en Libye sont d’abord accueillis par les ONG sur place qui leur offrent soins et nourriture, puis placés par les autorités libyennes dans des centres de détention, régulièrement décrits par les ONG comme des zones de non-droit.
Les rescapés assis près de la plage attendent eux aussi d’être transférés dans des « centres d’hébergement », précise M. Kacem.

Malgré des violences persistantes depuis la chute en 2011 du régime de Mouammar Kadhafi, la Libye reste un important point de transit pour les migrants fuyant l’instabilité dans d’autres régions d’Afrique et du Moyen-Orient et qui cherchent à rejoindre l’Europe.

En dépit des risques, ils prennent la mer, préférant tenter leur chance plutôt que de rester en Libye, où ils sont soumis à des abus, extorsions et tortures, selon des ONG.

Source leparisien



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