Alpha Condé est-il démocratique, depuis 2010, la démocratie a-t-elle progressé en Guinée ? S’il est vrai qu’il y a eu du progrès dans certains domaines comme celui de la liberté de presse, au regard des faits qui se sont déroulés depuis cette date, il serait difficile de donner une réponse positive à cette question.
Pourtant, selonl’Article 1er de notre constitution (DE LA SOUVERAINETE DE L’ETAT) : « La Guinée est une République unitaire, indivisible, laïque, DEMOCRATIQUE et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race, d’ethnie, de sexe, de religion et d’opinion. Elle respecte toutes les croyances. La langue officielle est le français. L’Etat assure la promotion des cultures et des langues du peuple de Guinée. Le drapeau est composé de trois bandes verticales et égales de couleur ROUGE, JAUNE et VERTE. L’hymne national est « LIBERTE » La devise de la République est : TRAVAIL, JUSTICE, SOLIDARITE. Son principe est : GOUVERNEMENT DU PEUPLE, PAR LE PEUPLE ET POUR LE PEUPLE. Les Sceaux et les Armoiries de la République sont codifiés par voie réglementaire ».
Autrement dit, la démocratie est un élément central de cette disposition, qui est donc fondamental et indispensable à notre république. C’est pourquoi, le respect des principes démocratiques est un « devoir régalien » de l’Etat, donc un des serments du président de la république.
Par ailleurs, l’élection est devenue aujourd’hui l’élément plébiscité par toutes les démocraties en ce sens qu’il permet au peuple de donner la légitimité politique au président, aux députés et aux administrateurs locaux leur permettant d’exercer un mandat. Mais depuis 2010, cet exercice a été biaisé à tous les niveaux. Depuis l’accession du professeur président Alpha Condé à la magistrature suprême, le pays a connu trois élections : les législatives de 2013, les présidentielles de 2015 et les communales et communautaires de 2018, mais force est de constater qu’aucune de ces élections ne s’est déroulée dans un cadre normatif, elles ont toutes été émaillées de fraudes massives.
Les premières élections organisées par le régime Alpha, ont été celles de 2013 c’est-à-dire trois ans après son accession au pouvoir. Ce qui voudrait dire que le pays a été dirigé pendant très longtemps par l’exécutif sans un contre-pouvoir, autrement dit sans les représentants du peuple qui ont pour mission de voter les lois et de contrôler l’action gouvernementale. L’organe transitoire qui servait de relai, n’avait aucune légitimité pour exercer pleinement ce rôle. Donc pendant trois ans, le professeur a dirigé le pays avec un « vide institutionnel ». Pire, le mandat de ces députés vient de prendre fin et aucune date n’est fixée pour le renouvellement de l’assemblée. Ce qui voudrait dire que le président risque de faire ses deux mandats avec une seule assemblée. Du jamais vu dans l’histoire démocratique de la Guinée. Ces deux vides représentent une faute démocratique très lourde.
Les deuxièmes élections organisées par le régime Alpha, ont été les présidentielles de 2015. Sur la base de nos enquêtes évoquées dans nos précédentes éditions, les élections de 2015 seraient les plus truquées de l’histoire démocratique de la Guinée. De la mauvaise distribution des cartes d’électeur en passant par le trucage du fichier électoral (plus d’électeurs à kakan qu’à Conakry), jusqu’aux nombreux votes par procuration, les élections de 2015 aussi ne se sont pas déroulées dans un cadre normatif suffisant, permettant de garantir la sincérité des urnes. Avec 2 285 827 de voix soit 57,85 % AlphaCondé a obtenu la plus grande prouesse électorale de la Guinée. Même au temps Conté, pourtant qualifié de dictateur, n’a pas remporté les élections face à ses adversaires avec un tel score. Ainsi, l’on peut dire qu’au regard des faits cités plus haut, les élections de 2015 n’étaient pas conformes aux réalités des urnes. Sur ce, le coup Ko était déjà gagné à l’avance, le jour du vote n’était qu’une « simple formalité »
Les troisièmes élections organisées par le régime, ont été les communales et communautaires du 4 Février 2018. Après près de 10 ans d’attente, les guinéens s’étaient rendus aux urnes pour élire leurs administrateurs locaux afin de garantir le fonctionnement de la démocratie par le bas. Mais ce fut un véritable imbroglio politique dans la mesure où l’on traine encore à installer les exécutifs locaux près d’un an après les élections. Cette élections pourtant très simple a été un véritable fiasco politique à tous les niveaux, de l’organisation jusqu’à l’installation des élus. De nos, on n’a toujours pas commencé l’installation des chefs de quartier, une autre épine dans les pieds du ministère de la décentralisation.
Bien plus encore certains éléments des libertés, devoirs et droits fondamentaux sont systématiquement violés par l’Etat : le droit de manifester, l’injustice, l’impunité, pourtant, tous ces faits sont consacrés par l’article 7 de la constitution qui stipule que : Chacun est libre de croire, de penser et de professer sa foi religieuse, ses opinions politiques et philosophiques. Il est libre d’exprimer, de manifester et de diffuser ses idées et opinions par la parole, l’écrit et l’image. Il est libre de s’instruire et de s’informer aux sources accessibles à tous. La liberté de Presse est garantie et protégée. La création d’un organe de presse ou de média pour l’information politique, économique, sociale, culturelle, sportive, récréative ou scientifique est libre. Le droit d’accès à l’information publique est garanti au citoyen. Une loi fixe les conditions d’exercice de ces droits, le régime et les conditions de création de la presse et des média.
Depuis 2010, plusieurs dizaines de jeunes guinéens sont tombés lors des manifestations politiques sans que l’état ne prenne ses responsabilités pour mener des enquêtes et situer les responsabilités. A cela, il faut ajouter le coup d’état constitutionnel qui se profile à l’horizon avec un éventuel troisième mandat.
Somme toute, la démocratie est avant tout un régime politique dans lequel les citoyens ont le pouvoir. Et ce pouvoir est garanti par la présence des institutions fortes et indépendantes, mais aussi par l’organisation des élections libres et transparentes. Mais depuis trop longtemps, ces faits représentent des denrées très rares en Guinée. Partant de ce constat, l’on peut dire sans aucune ambivalence que l’on a connu un recul démocratique depuis l’accession du professeur président Alpha Condé.