Depuis plusieurs mois le pays est paralysé par des crises récurrentes, le site Guinée Direct infos a réalisé un entretien avec le président de « Guinée debout » Siaka Barry. Lors de cet entretien, il a été question de porter un regard critique sur la situation sociopolitique du pays, mais aussi les raisons de la création du parti « Guinée debout »
Interview
Guinée Direct Infos : Bonjour Monsieur Barry,
Siaka Barry: Bonjour Madame, Bonjour Monsieur
Guinée Direct Infos : Aujourd’hui le pays traverse une crise sans précédent quel regard portez-vous sur cette situation ?
Siaka Barry : Un regard d’amertume. A l’image des 12 millions de guinéens je suis meurtri, je suis très peiné de voir mon pays s’enliser, s’enfoncer toujours dans cette crise. C’est le lieu pour moi d’ailleurs de m’incliner pieusement à la mémoire des disparus de cette crise, le plus souvent des jeunes innocents qui meurent sans vraiment savoir pourquoi ils meurent. Je dis qu’ils meurent simplement du fait de la bêtise humaine mais de la bêtise surtout de nos hommes politiques qui ont montré leurs limites à tous les niveaux. Et qui ont surtout montré à la Guinée qu’il faudrait qu’elle se ressaisisse et qu’elle puisse réinventer un nouveau destin pour son émergence.
Guinée Direct Infos : Justement s’agissant de ces tueries, à qui la faute selon vous?
Siaka Barry: je ne peux pas me substituer à faire le travail qui revient de droit à l’Etat. La protection du citoyen et sa sécurité revient à l ‘Etat qui doit en faire qu’a même une activité régalienne. Maintenant les enfants qui sortent, le plus souvent il est vrai qu’ils sont instrumentalisés, il est vrai qui sont manipulés encore par ces mêmes politiques. Mais ils sortent le plus souvent dans un élan de revendication qui leur est consacré par la constitution. Parce que le droit de marche est un droit consacré par notre constitution. Maintenant puisque ce droit est encadré, il revient à l’Etat de jouer son rôle régalien d’encadrement de la manifestation et de sécurisation des manifestants. Quand il y’a morts, je ne suis pas d’accord qu’on dise que la responsabilité est partagée. La responsabilité se situe au niveau de l’état. Que les morts soient par faits accidentels, ou que les morts soient par faits volontaires ou que ça soit même une simple répression des forces armées, c’est la responsabilité de l’Etat qui est engagé.
Guinée Direct Infos : Selon vous qu’est ce qu’il faut pour arrêter ces tueries?
Siaka Barry: Au lieu de voir l’effet, il faudrait d’abord voir la cause c’est ça le problème. Dans l’état actuel de la Guinée interrogeons-nous qu’est ce qui est à la base surtout de ces manifestations récurrentes ? C’est cela la vérité. Tant que nous ne mettons pas un peu de moral dans notre démarche politique, tant que nous ne mettons pas un peu de philosophie, un peu d’éthique d’ailleurs dans ce que nous faisons sur le plan politique et dans l’arène politique, nous allons assister souvent à des crises intempestives, et à des crises interminables.
Donc ce qu’est ce que moi je peux dire ce niveau ?, c’est que nous devons d’abord par l’éducation citoyenne, par la conscientisation, instaurer une certaine éthique dans le milieu politique et surtout dans l’arène politique. L’éthique signifie quoi ? On a essayé de coller à la politique en Guinée une étiquette malsaine qui fait aujourd’hui de ce noble métier, un métier de ruse, un métier de méchanceté, un métier de délation, un métier de manque de conviction. Donc les politiciens le plus souvent se rencontrent tout simplement avec en tête des subterfuges pour se dribbler et le plus souvent ces subterfuges la aboutissent à un manque criard de confiance entre eux, et en un manque criard de confiance entre eux et le peuple. Quand ce manque de confiance s’installe, des crises interminables arrivent, et ces crises la ont pour corollaire ces manifestations intempestives, ces manifestations aussi ont pour corollaire des tueries. Donc voilà un peu la causalité qui nous fait parvenir à des situations désastreuses donc mettons un peu d’éthique dans ce que nous faisons et je crois que le monde politique se porterait mieux.
Guinée Direct Infos : Depuis plus d’un mois maintenant les classes sont fermées, qu’avez-vous à dire aux autorités et aux syndicats ?
Siaka Barry: Tant vaut l’état, tant vaut la nation! Et Maintenant interrogeons-nous ce que vaut notre nation aujourd’hui après toutes ses crises interminables au sein du système éducatif. Le plus souvent ce qui est porté à la connaissance du grand public comme revendication des enseignants n’est que la face visible de l’iceberg. Y’a une grande face cachée qui n’est pas révélée. Le plus souvent les enseignants posent des questions liées à leurs conditions de vie, je dirais même à leurs conditions de survie. Le plus souvent l’enseignant ne vit pas en Guinée, il survie. Mais au-delà de ça il y’a d’autres éléments qu’il faut appréhender dans le système éducatif qui sont beaucoup plus cruciaux que la simple existence de l’enseignant. Il y’a d’abord les questions liées à la qualité de l’éducation. Un enseignant satisfait donne une éducation de qualité. Mais la satisfaction des conditions de vie de l’enseignant seul ne garantit pas une éducation de qualité. Il y’a la formation de l’enseignant lui-même. Et donc quand les enseignants occultent tous ces autres aspects là, pour poser l’aspect fondamental qui attrait à leurs conditions de vie. Je crois que l’état dans un élan d’ouverture doit pouvoir ouvrir les portes à la négociation et au dialogue. Il est irresponsable pour un état de dire qu’il ne peut pas instaurer de dialogue entre lui et ses syndicats. Je dirais à l’état de faire preuve d’ouverture, d’écouter les enseignants, de ramener les enseignants à la raison, en leur montrant le raisonnable. Je ne vais pas qu’à même épiloguer sur les chiffres avancés çà et là. 8 000 000 par enseignant, c’est un vœu effectivement. Mais ne nous focalisons pas sur les 8 000 000. Focalisons nous surtout sur ce que l’enseignant veut véhiculer en demandant 8 000 000 .l’enseignant veut véhiculer un cri de détresse pour montrer qu’il est aujourd’hui sujet à beaucoup de vicissitudes, il est sujet à beaucoup d’obstacles dans sa vie de tous les jours. L’enseignant est aujourd’hui terrassé par la pauvreté, le plus souvent par la faim. D’ailleurs le prolétariat a fini par miner une bonne partie d’entre eux. C’est ce cri de cœur que l’état doit écouter et faire face avec brio à ce que les enseignants demandent.
Guinée Direct Infos : Parlez-nous du mouvement « Génération debout ».
Siaka Barry: le mouvement « Génération debout » est un mouvement à la base juvénile qui a été donc bâti sur un espoir, l’espoir de voir une Guinée débarrassée des tares de l’ethno-stratégie. Nous avons constaté que l’ethnocentrisme avait élit domicile jusque dans le cœur même des institutions juvéniles. La plupart des associations de jeunes aussi commençaient à emboîter le pas sur les anciennes structures ou sur les structures traditionnelles que nous connaissons avec nos politiciens. Nous avons dit qu’il faudrait freiner cet élan dangereux. Nous avons bâti le mouvement autour de la transversalité ethnique. Cette transversalité ethnique voudrait que tous les jeunes sans considération d’ethnie, de région et de religion puissent se donner les mains afin d’induire un renouvellement générationnel au sein de la classe politique. Cette classe politique vous le savez est une classe politique essoufflée aujourd’hui, est une classe vieillissante, est une classe sénile, c’est une classe malheureusement qui est en train d’édifier dans notre nation une sorte de gérontocratie que nous n’allons pas acceptez. Donc le mouvement est né pour induire cette alternance générationnelle pour promouvoir l’unité nationale entre les jeunes, Parce que sans cette unité-là, aucun progrès au niveau de la jeunesse n’est possible. Maintenant Après l’alternance générationnelle, l’unité nationale, le 3ème cheval de bataille de ce mouvement, C’est la promotion de la bonne gouvernance. Nous voulons inculquer à ces jeunes une gouvernance vertueuse, pour montrer qu’une autre façon de gérer la Guinée est possible. Et ne pas accepter que le système ait raison de ces jeunes, Parce que nous avons à faire à un système gérontocratique, voir même ploutocratique par ce que c’est un système qui est bâti d’abord autour des séniles, mais ces séniles là aussi, se sont enrichies indûment sur le dos du peuple, et sont entrain de prendre cette richesse là pour appauvrir encore plus et assoiffer le peuple d’une façon incompréhensible. La jeunesse doit se saisir de son destin et dire qu’elle aspire à une Guinée gouvernée autrement, à une Guinée dont la vertu dans la gestion deviendra un principe.
Guinée Direct Infos : Ce mouvement deviendra-t-il un jour un parti politique ?
Siaka Barry: Le mouvement s’est inscrit dans une coalition de mouvement et en cours de chemin beaucoup de parti politique ont rejoint la coalition. Nous sommes aujourd’hui à près de 5 partis politiques et une quinzaine de mouvement juvénile. Pour votre information, pas plus tard qu’hier, l’ensemble de ces mouvements et de ces partis politiques donc se sont retrouvés, et ont décidé maintenant de se transformer en structure politique donc en parti politique. Donc hier ce parti politique a eu son baptême de feu. Il s’appelle désormais « Guinée Debout ». Le ministère de l’administration du territoire était de la partie, et ce lundi-là vous êtes les 1ers à réaliser une interview avec le président du parti « Guinée Debout » C’est un scoop pour vous.
Le bureau politique du parti va se meubler les jours et les semaines à venir. Le scoop avec vous encore C’est que nous prévoyons dans la 1ere semaine du mois de décembre au lancement officiel des activités du parti politique par une grande conférence de presse que nous allons animer soit au siège ou dans un autre endroit que nous vous transmettrons. Et après cette conférence de presse, les activités du parti politique vont commencer sur le terrain. Je dirais que ce sont les activités de « Guinée debout » qui débuteront car, nous sommes sur le terrain depuis plusieurs années maintenant. Si j’ai été limogé du gouvernement, c’est Parce que j’étais sur le terrain en train de mener ce combat avec la jeunesse.
La suite dans nos prochaines éditions
Entretien réalisé par Hanny DIALLO et Saidou DIALLO